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Vivre un FME d’pauvre

J’ai pas un esti d’cenne. De toute manière j’ai manqué la vente des billets encore cette année. Ça tourne en rond comme un vinyle. Deux jours en ligne dans le train train quotidien. Mange prie aime. Je travaille aussi des fois.

Le bill d’Hydro. La rentrée scolaire. L’extra avec le 6/49. C’est cher la vie.

Mais j’me dis que le FME est à Rouyn-Noranda et je suis un « local ». T’es dans MA ville ici fiston. Je vais ben finir par trouver un moyen pour en profiter du festival. Je connais le proprio du Cabaret. On a déjà joué au poker ensemble. Je l’sais comment rentré par la backdoor à la salle Évoluson. Est juste pas barré, pis en arrière. Et en plus on est pas à Montréal icitte! Si jamais j’me fait pogner, j’vais juste me faire sortir poliment, pas m’faire tabasser par deux armoires à ramasser mes dents dans un métro qui avait 15 minutes de retard suite à un ralentissement de service sur la ligne verte.

« D’autres messages suivront ».

Les gens icitte sont smath, même dans leur manière de d’péter la yeule. Finalement, c’est plus comme une p’tite claque, un avertissement.

J’aime beaucoup l’Abitibi. J’adore le FME. Pour moi ce que ça signifie, c’est d’élargir sa famille à toute la population d’une ville. De s’rendre compte que même un gars qui a pas l’argent ou le temps d’acheter des billets pour un show, ben il est le bienvenu pareil. Il peut danser sur les DJ de la 7e. Aller voir les vinyles au Joubec sans s’poser d’question sur les Playmobile. Se dire que c’est de faire chanter une petite localité sur un micro qui à une porté internationale. Un esprit de famille. Un est* d’belle famille.

La musique c’est juste le prétexte parce que sinon, on crée des liens. On s’rapproche. Oui j’te parle à toé le dude qui est resté d’boutte pendant 12h à Osheaga pour écouter ton band préféré sur un écran géant en buvant une bouteille d’eau à 13$. Pas le genre de traitement que je réserve à un membre de ma famille si jamais tu veux venir l’année prochaine…

En terminant, j’ai gagné 8$ avec l’extra pis j’me cherche deux billets pour les Soeurs Boulay à soir. C’est pour ma fille.

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Les jeunes d’aujourd’hui…

Imagine habiter à Montebello pis pas aimer le métal. Vivre à Sainte-tite pis détester l’country. Sentir une vague de touristes envahir ta ville comme la vermine sur un cadavre de chat. Ben c’est ça. Moi, je m’appelle Marjolaine, 67 ans, j’habite à Rouyn pis à mon sens tout ce qui à pu « émerger » de la musique dans les 30 dernières années, ben c’est des coupes de cheveux bizarres.

Le début du mois de septembre, il y a des « X » dessus mon calendrier. Je remplis le char de gaz pour être certaine de ne pas avoir à m’arrêter. Ni à Val-d’Or, ni à Louvicourt. Je fais mes valises et je m’en vais chez ma soeur en Estrie.

Pas que j’ai pas essayé. C’est pas toute « négatif » tout ça. Mais quand la ville devient « FME », j’ai peur de sortir. Je reconnais plus mon coin. Je deviens cette femme creep qui reste dans son salon et qui regarde par les rideaux une fois à l’heure. Je kidnappe pas des enfants, j’ai pas d’perruche non plus. J’suis juste pu bien dans mes pantoufles.

En gros, je crois que c’est le monde. C’est la différence. L’indifférence. Quand j’me suis fait prendre dans un purgatoire de sauce brune, fromages en grains et patates chez Morasse. Je déguste ladite frite et soudainement une marée noire de monde arrive. Un groupe de musique s’installe. Deux filles pis un Chinoix. J’ai même pas eu l’temps d’quitter. C’est ben simple on pouvait pu sortir! Le monde était debout sur les tables. Il faisait chaud. Ma poutine aussi voulait sortir. Mon amie Jacqueline m’a fait du vent avec Le Journal de Montréal. J’ai fermé les yeux et j’ai pensé aux vagues du lac Memphrémagog.

« L’année prochaine j’y serai » que j’me suis dit.

Ironiquement, j’adore Rouyn-Noranda une journée ou deux avant le début du festival. Avant l’invasion. Les installations sont montées. Les lumières, c’est beau! Je marche pis j’me sens dans un autre univers. Une version améliorée et plus joyeuse de ma ville. Ça grouille. Quelque chose se passe. Je le sais que c’est con; c’est des lumières, des cordes à linge pis des têtes d’animaux, mais j’me sens un peu comme à Paris. La tour Eiffel c’est L’Agora des Arts.

J’voudrais que ce soit toujours comme ça.

Dans mon temps, la musique avait une plus grande portée sociale. Les droits de la femme. Les premières fois. On dirait que je vois moins ça dans la musique d’aujourd’hui : le combat. Je vois des femmes qui ont le look, l’apparence, même la voix, des fois! Mais, si j’enlève tous les artifices, les paillettes, les réseaux sociaux pis le maquillage, que je laisse une voix avec un piano dans le noir. Shut down. Déception.

Tout est bruyant, tout se force tellement pour être attirant, beau, divertissant. C’est le coeur qui a changé. Les jeunes d’aujourd’hui, la musique d’aujourd’hui, aujourd’hui !

Aretha Franklin, Patsy Clyne, Bille Holiday…Tellement prévisible comme intérêts, tellement des vieux « records », mais en même temps tellement inégalés.

Imagine vivre à Montréal pis être claustrophobe. Imagine aller voir une magnifique femme en robe rouge dans un night-club où tu t’fais sacrer dehors si tu parles trop fort. Imagine que je rentre dans ta chambre pendant qu’tu dors pis que j’commence à plier ton linge.

Invasion.

Prend soin de ma ville jeunesse, aide ta musique pis laisse les lumières, si tu veux.


*Ce texte est écrit en collaboration avec la plateforme Abitibi/Montréal

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