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DÉJÀ UN AN!

Un texte de Magali Monderie-Larouche

L’an dernier, en décembre, je prenais le poste de DG au FME. Un an après si on me pose la question “Tu savais à quoi t’attendre? ” Clairement non. Je n’avais aucune idée, je trouvais ça juste vraiment cool. J’étais une festivalière convaincue et j’étais trop fière de participer à cet événement qui est pour moi un joyaux culturel national, qui est ici, dans ma petite ville de Rouyn-Noranda. Je n’ai jamais eu peur des bonnes idées et du travail acharné alors, je m’étais juste dit : et pourquoi pas?

Un an après, un FME de passé, bien des péripéties et des histoires de fou à raconter, j’en pense quoi de mon année?

Les gens me posent souvent la question si je travaille toute l’année pour un événement qui dans leur vie à eux est un gros quatre jours, mais seulement quatre jours quand même. Je trouve ça chaque fois saisissant parce que non seulement je travaille toute l’année mais je ne suis pas seule! On est une méchante gang à travailler toute l’année, certain c’est leur emploi, comme moi et d’autres leur bénévolat, mais depuis 17 ans, des gens travaillent vraiment toute l’année pour créer 4 jours d’émerveillement, de découverte, de bonheur et de décrochage total.

Je dis toujours à la blague que le FME contribue à ralentir la productivité de toute la ville et nous permet de vraiment fêter, la fête du travail!


C’est difficile de me poser et de me remémorer cette année parce que déjà, je suis engagée dans la prochaine et que j’ai juste tellement hâte de dévoiler et de vivre de nouvelles surprises! Parce que des idées et de la créativité au FME on en manque pas et je sens qu’on a pas fini de créer des tendances et des expériences haute en couleurs dans lesquelles on saute sans filet.

Puisque je ne peux pas et ne veux pas tout de suite trop vous en dire sur 2019… parlons 2018. Je pense qu’encore une fois, le FME  a crée des moment où on va se dire longtemps, “J’y étais! Et toi?” Moi, j’y étais quand on a battu le record de foule sur la 7e rue et quand Loud a chanté avec 4500 personnes ‘’Toutes les femmes savent danser’’. J’y étais à la réunion de Karkwatson quand après 10 ans les gars sur scène nous ont invité à participer à un party privé où la complicité était palpable. J’y étais quand la jeune sensation Naya Ali a fait un de ses premiers shows dans une ruelle glaciale de Rouyn-Noranda

2018, quelle belle année. On a trippé, on s’est encore réinventé et FME 2019, on pourra encore dire “J’y étais! Et toi?”

 

OBJET FRAGILE

Par Antoine Charbonneau-Demers

La personne que je cherche agonisait à Mont-Tremblant. C’était un homme, mais je n’ai pas vu son visage, seulement l’espace entre la fin de son pantalon et le début de sa chaussure, cet espace qu’on appelle la cheville, mais que j’aurais appelé « roche » ou encore « flétrissure », recouvert de peau floconneuse. Une cheville dans l’embrasure de la porte des toilettes. Mon amie s’est écriée : « Oh mon Dieu, on voit sa cheville ! », mais on ne s’écrirait rien devant une cheville normale, telle qu’on en connaît.

Nous arrêtons à Mont-Tremblant pour faire le plein d’essence et utiliser les toilettes. On nous donne la clé. « La première porte sur le bord. »

On déverrouille la première porte sur le bord, mais derrière la deuxième porte sur le bord, on aurait dit que quelqu’un était prisonnier alors que la clé était dans la serrure, à l’extérieur. On n’a rien fait. J’ai fait pipi, mon amie aussi. Mais quand on est sortis, nos deux autres amies s’inquiétaient. Quelqu’un shake la porte, quelqu’un est embarré.

Mon autre amie est médecin, elle ouvre la porte. Un homme est couché par terre. On se dit : wow, quelle chance qu’il tombe sur une médecin. Elle lui pose des questions sans arrêt. « Avez-vous pris des médicaments ? Non ? Êtes-vous sûr ? Vous semblez un peu confus. Avez-vous pris de la morphine ? » sans lui donner de choix de réponse, et je pense tout de suite au livre de tests Réussir dans la vie que je garde dans mon sac. L’état de santé de l’homme m’importe peu, je cherche juste à savoir s’il est celui que je cherche, celui qui a complété les tests mis au point en 1989. J’ai envie de tendre le livre à mon amie, qu’elle lui pose ces questions-là plutôt que les siennes. Qu’elle lui donne des choix de réponse. Je ne veux pas savoir il est couché là depuis combien de temps, s’il a pris des médicaments, s’il a des pincements au cœur. Ce que je veux savoir :

 

Vous considérez votre corps comme :

☐ a – un instrument, sans plus,

☐ b – une machine de précision dont vous prenez soin,

☐ c – vous préférez ne pas y penser,

☑ d – un objet fragile à manier avec précaution.

 

Mon amie ne l’aide pas à se relever. Il faut le manier avec précaution. C’est peut-être donc lui. Je l’appellerais donc Objet Fragile, comme dans la réponse cochée dans le livre. Il a dit qu’il avait des douleurs à la poitrine. On ne voit toujours rien. Mon amie pense qu’il faudrait appeler l’ambulance. Je vais chercher l’employée de la station-service. Cette femme a une dure journée. Je voudrais qu’elle réponde, elle aussi, à une petite question. « Si votre job ne vous plaît plus… » ou encore « Une bonne fée vous propose d’être douée d’une des qualités suivantes. Laquelle choisissez-vous ? »

Mais je ne veux pas la déranger, elle appelle l’ambulance. On n’entend plus Objet Fragile. On dirait qu’il ne répond plus.

— Depuis quand vous êtes couché là, Monsieur ?

— Autobus.

Autobus. Il était dans l’autobus pour aller au FME, ils ont fait un arrêt à Mont-Tremblant. L’autobus est encore là qui l’attend.

Au moment où on se demande par où l’ambulance arrivera, qu’on s’arrange pour qu’elle nous voie, l’autobus décolle sans Objet Fragile et j’éprouve comme une grande pitié.

— L’autobus et parti sans lui !

— Mais oui, mais il s’en va à l’hôpital, cet homme-là, il s’en va pas en autobus.

— Ben oui, je le sais ben.

Et ensuite, avec mon amie, on s’obstine à savoir si les ambulances sont rouges ou jaunes. Jaunes, j’avais raison.

Les ambulanciers sont trop calmes. Je leur poserais bien quelques questions à choix de réponse, qu’ils se reconnectent à leurs émotions. Je leur dirais bien d’être doux avec Objet Fragile parce qu’en 1989, quand il a répondu aux tests psychologiques de Réussir sa vie, il considérait déjà qu’il fallait manier son corps avec précaution. Pensez-vous qu’il va pouvoir aller au FME ? S’il n’y va pas, est-ce qu’on pourrait racheter son billet pour Milk & Bone ?

 

Mon amie médecin pense que c’était peut-être un infarctus, quelque chose comme ça. Elle ne sait pas.

Objet Fragile est peut-être mort, maintenant. A-t-il réussi sa vie ? A-t-il réussi à « remodeler cette image que les autres se font de vous ? »

Image que je me fais de lui : Objet Fragile, un homme dont je n’ai vu que la cheville en putréfaction, un homme qui allait au FME en autobus voyageur et qui est mort d’un infarctus en chemin vers l’hôpital parce qu’on ne l’a pas manié avec assez de précaution.

Réussir sa vie, finalement, me rappelle qu’on meurt peu importe les questions auxquelles on répond, les cases qu’on coche et les déductions.

On pourrait mettre l’homme dans une boîte, écrire dessus « Objet Fragile » et l’envoyer à Rouyn avec les instruments des musiciens identifiés « Objet Fragile ». Un drum, une guitare, un cadavre.

Bon FME.